Dans le cadre du Labex Les Passés dans le présent, le projet 2ARC, porté par des membres de l'équipe d'Ethnologie préhistorique (coord. Goutas, Bodu & Mevel - UMR 7041), a pour objectif la préservation, la mise en valeur de l'Histoire, du Patrimoine et de la mémoire des documents concernant les fouilles réalisées depuis le 19ème siècle dans différentes cavités du massif d'Arcy-sur-Cure, et en particulier celles d' André Leroi-Gourhan (1946-1963).

Pierre Poulain

Pierre Poulain (21 avril 1921 – 19 novembre 1987)

 

Dans l’histoire de la recherche archéologique à Arcy-sur-Cure, Pierre Poulain est un personnage discret, mais majeur. Lien important entre deux générations de chercheurs, élève et proche d’anciens collaborateurs de l’abbé Parat, il est présent à Arcy-sur-Cure en 1947 dès les premiers jours de reprise des fouilles par André Leroi-Gourhan. C’est lui qui, dans les années qui suivent, indique à André Leroi-Gourhan l’emplacement de la grotte du Renne, découverte par lui-même dix ans plus tôt. C’est aussi lui qui découvre la grotte du Bison. Pendant toute la durée des opérations de fouilles à Arcy-sur-Cure il est co-directeur du chantier du Renne et véritable assistant du patron au niveau local. Dès le milieu des années cinquante il prend une place importante dans la gestion du musée de la ville d’Avallon, en devient conservateur et le dirige jusqu’à la fin de sa vie assurant avec patience le classement des anciennes collections archéologiques, en particulier celles de l’abbé Parat.

 

Pierre, Jacques, René Poulain est né à Paris dans le 17e arrondissement le 21 avril 1921. Il est le fils de Renée Petit et Marcel Poulain. Marcel et Renée auront 6 enfants. Marcel Poulain est parisien, une partie de la famille Petit est originaire de l’Yonne. À partir de 1929, Pierre passe quelques années en pension à Pontoise. Au début des années trente, la famille déménage pour Le Havre, puis revient en région parisienne. Durant l’été 1937, Pierre, âgé de 16 ans, est envoyé en vacances chez sa grand-mère Petit à Champs-sur-Yonne. C’est de cette époque que datent ses premières explorations dans les grottes d’Arcy et Saint Moré.

À la rentrée 1937, Pierre est envoyé en pension en Belgique à Givry-les Mons. Durant l’été 1938, il retourne chez sa grand-mère et renoue avec les expéditions aux grottes d’Arcy. En cette année 1938, le régime politique allemand inquiète de plus en plus. À la rentrée 1939, les parents Poulain retirent Pierre de la pension de Givry-les-Mons et l’inscrivent au collège Saint Joseph d’Auxerre, une école religieuse. Il y reclasse et réorganise les collections minéralogiques, paléontologiques et préhistoriques. L’été venu, il partage son temps entre Champs-sur-Yonne, chez sa grand-mère et Tamié (Savoie) avec la colonie de vacances catholique de l’Yonne ; les Florimontains, fondée en 1925 par l’abbé Bernard Ferrand (1900-1944). Ce même été, il effectue de nouveau des expéditions dans les grottes d’Arcy et Saint-Moré et participe aux fouilles organisée par un abbé archéologue, l’abbé Bernard Lacroix en forêt d’Othe sur le site de Haut-le-Pied. En août il repère une nouvelle grotte à l’ouest de la grotte du Trilobite, qu’il baptise : Trilobite II. En septembre, la guerre est déclarée. Quelques moins après, l’armée Nazie envahit la Belgique, puis le nord de la France. En juin des milliers de français se retrouvent sur les routes et dans des trains bondés en direction du sud de la France. À Auxerre, Pierre et ses cousins accueillent les réfugiés en gare d’Auxerre. Quelques semaines plus tard, Pierre repart pour Tamié avec les Florimorontins. Durant le séjour, il rencontre une jeune fille, Marie-Thérèse Meunier. Elle est la fille de René Meunier (1870-1940), qui vient de disparaître, archiviste-bibliothécaire de la Société d’Études d’Avallon et conservateur du musée de la ville d’Avallon. René Meunier était légataire testamentaire de l’abbé Alexandre Parat, qu’il avait aidé à organiser le musée d’Avallon et dont il avait pris la succession en tant que conservateur. Au mois d’août, les parents Poulain s’inquiètent, quittent Paris pour l’Yonne et viennent récupérer Pierre. Toute la famille descend à Limoge, puis finit par remonter à Versailles.

À la rentrée, Pierre s’inscrit dans une école d’herboristerie, tente de se former à l’Institut Pasteur, mais l’occupation l’empêche de passer son diplôme, l’école ferme. Après avoir participé à des chantiers de jeunesse il entre dans un réseau de résistance et en mars 1943, fini par être recherché par la Gestapo. Pour mettre fin aux recherches, il se porte volontaire pour partir en Allemagne. Il est envoyé près de Graz en Autriche pour travailler dans un camps d’accueil près de Premstatten, à proximité du Stalag XVIII A. Il est libéré à l’automne 1943 et rentre à Lyon. Il retrouve Marie-Thérèse Meunier qu’il épouse le 23 décembre 1943. Il trouve alors un emploi dans un institut qui accueille des enfants instables dirigé par la Sauvegarde de l’Enfance (A.R.S.E.A.). Il quitte l’établissement en 1945.

Durant l’été 1946, il apprend que la ville d’Avallon cherche un bibliothécaire – directeur adjoint pour le Musée Municipal et obtient un rendez-vous avec Guy Gaudron (1891-1965), inspecteur des Musées de province et secrétaire général de le Société Préhistorique Française. À l’automne, il passe un petit examen pour tester ses connaissances. Il est accepté et par la création d’un poste de responsable des collections et de la bibliothèque se voit confié la responsabilité du musée. Il entre en fonction le 16 novembre 1946.

En septembre 1946, Pierre Poulain reprend contact avec l’abbé Lacroix. Il a suivit les événements liés à la découverte de la grotte du Cheval et s’engage dans le projet de l’abbé Lacroix : la création du Spéléo-Club de l’Yonne. De nouvelles rencontres et de nouveaux liens d’amitié se forment. Dans le courant de l’année 1947, les nouveaux camarades effectuent ensemble plusieurs sorties spéléo dans la région d’Arcy. En 1948, ils créent le Spéléo-Club d’Avallon, dont Pierre Poulain devient le président. Le club devient très actif dans la région d’Arcy et à partir de 1950, se consacre quelques années à la désobstruction de la grotte du Trilobite. Il organise également des visites du chantier école d’André Leroi-Gourhan.

En septembre 1947, Pierre Poulain prend part en tant que stagiaire à la campagne de fouille de l’équipe du Musée de l’Homme dirigée par André Leroi-Gourhan. À partir de cette année, il prend de plus en plus de responsabilités au sein de l’équipe scientifique. En 1949, il montre à André Leroi-Gourhan l’emplacement du Trilobite II, découverte en 1939, que le patron rebaptise : grotte du Renne. De 1949 au départ d’André Leroi-Gourhan pour Pincevent, Pierre Poulain participe à toutes les campagnes de fouilles d’Arcy-Sur-Cure. Il prépare chaque année l’arrivée de l’équipe, co-dirige le chantier du Renne, participe à l’organisation de conférences. À partir de 1950, en dehors des périodes de fouilles et sur son temps libre, il entame des travaux de nettoyage, de désobstruction et quelques sondage dans la grotte du Trilobite avec le Spéléo-Club d’Avallon, en accord avec André Leroi-Gourhan. Le travaux s’étalent sur quatre années. En 1951, Pierre Poulain rencontre une élève d’André Leroi-Gourhan, Thérèse Josien, archéozoologue, qui en 1956 devient sa seconde épouse. Thérèse Poulain, après quelques années d’études dans sa spécialité, après avoir participé à plusieurs chantiers archéologiques, dont ceux de l’archéologue Jean Perrot en Israël en 1952 et 1955 abandonne progressivement sa carrière pour seconder son époux au musée et élever leurs quatre enfants.  

En 1954, Pierre Poulain prend de plus en plus de responsabilités au Musée d’Avallon. Dès 1958, le Musée organise une exposition par an, parfois deux (une à Noël, une l’été). La première de ce nouveau rythme est consacrée en 1958 aux  « Fouilles anciennes d’Arcy ». Puis suivent en 1959 : « Trésors de la bibliothèque Municipale », en 1960 : « La métallurgie de l’avallonais », en 1961 : « 10 ans de fouilles dans l’Auxerrois », en 1962-1964 : « Le Musée d’Avallon à 100 ans » qui ne sera pas décrochée avant 1968. En 1971, l’ancien collège cède la place à la bibliothèque et au musée qui quittent l’Hôtel de Gouvenain. En 1981, le musée consacre une exposition aux travaux de l’abbé Parat : « collections préhistoriques de l’abbé Parat, la grotte du Trilobite, la grotte des Fées, la grotte des Hommes » (du 5 au 20 avril 1981), puis organise en grande exposition sur les animaux qui attire plus de 7000 visiteurs en 1983. En 1986 Pierre Poulain doit prendre sa retraite, mais souhaite terminer la mise en place des collections de l’abbé Parat données à Avallon par l’archevêque de Sens (la négociation des collection aura duré 10 ans !). Il quitte son poste le 30 avril 1987. Le 18 juin à 15h, le Musée ouvre, l’installation des collections Parat est terminée et inaugurée au mois de septembre. Le 19 novembre 1987, Pierre Poulain s’éteint.

 

Texte écrit par E. Le Gueut

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